Les mutineries de la Meuse en 1917

Après trois années d’une guerre meurtrière, la lassitude touche l’ensemble des armées européennes. 1917 est ainsi le théâtre de plusieurs mutineries de soldats, en réaction à des situations jugées intenables : conditions de vie dans le froid, la boue, les obus et surtout offensives inutiles aux nombreuses victimes.

Les régiments des 41ème et 241ème régiment, cantonnés à Rennes ont notamment eu à subir l’assaut de Fleury[1], près de Verdun, en juin-juillet 1916. Déjà éprouvé par la pluie, les difficultés de ravitaillement et les pertes subies, le 41ème enchaîne ensuite plusieurs fronts avant d’arriver en Meuse. Un des personnages du docgame en fait partie, et nous découvrirons à ces côtés les difficultés de ces batailles et son choix face aux mutineries.

 Les mutineries de la Meuse

   La révolte du Chemin des Dames comme origine

En avril 1917 est lancée une grande offensive menée par le général Nivelle entre Soissons et Reims. Ce sanglant échec provoqua une crise dans l’armée française, et le général Nivelle fut remplacé par le Maréchal Pétain à la tête des armées françaises le 15 mai.[2] Une fois de plus, le commandement des généraux est remis en cause, et c’est au lendemain de l’attaque manquée du 17 avril qu’a lieu un premier incident. Il fut suivi, “en mai et juin, de deux cent cinquante actes de désobéissance collective qui affectent 68 divisions, soit les deux tiers environ de l’ensemble de l’armée”. L’épicentre de ces révoltes se situent dans la région du Chemin des Dames.

A la suite de ces mutineries, les conseils de guerre jugeront plus de 4 000 hommes, “dont 554 sont condamnés à mort et une cinquantaine exécutés.[3]

   Une mutinerie dans la Meuse dont il ne reste que peu de traces

Moins connues que celles du Chemin des Dames, des mutineries ont aussi lieu à partir du 2 juin 1917 dans la Meuse[4]. Cette première mutinerie dans la Meuse fût initiée par le 41ème RI de la 131ème division, basé à Rennes. Une cinquantaine de soldats demanda alors, en “l’absence de violence”, la fin de la guerre[5]. Les sources pour témoigner de ces mutineries sont hélas rares, car le journal de marche et d’opérations du 41ème RI ne dit rien de ces incidents, pas plus que l’historique réglementaire rédigé après guerre.

Un soldat au 7ème RI, le toulousain Élie Baudel évoque cependant, dans un courrier à ses parents en juin 1917 qu’ “un régiment de la division à commencé à manifester” (le 41ème) et qu’ “à peu près 300 soldats ont chantés (sic) L’internationale dans les rues d’un village avant de monter en ligne”. Il relaie aussi la rumeur selon laquelle “ils (auraient) assommé un commandant”. [6]

(Rapport de police sur la circulation des permissionnaires dans les trains et lors de séjours. ADIV 4M )

(Rapport de police sur la circulation des permissionnaires dans les trains et lors de séjours. ADIV 4M )

Dans le 241ème RI appartenant à la même brigade, on rapporte aussi des “désordres graves”. Le Rennais Armand Le Douarec, lieutenant dans le 241ème écrit en effet à sa femme en juin 1917 qu’ : “il y a eu tout près de nous, dans certains régiments, des désordres graves. On assure que pour ramener la paix dans un train de permission, en gare de Dugny, il a fallu une intervention très énergique. On a même parlé (…) de mitraillettes braquées[7].

Les conseils de guerre

En ce qui concerne ces mutineries de la Meuse, on sait seulement  que “certains des soldats du régiment furent traduits devant un conseil de guerre dans les jours suivants[8].

En effet, les mutineries n’apparaissant pas toujours sur les registres de guerre, nous n’en savons pas beaucoup plus sur les détails des condamnations.

Cependant, nous savons que sur les 4000 jugements liées aux mutineries de l’année 1917, 554 seront condamnés à mort et cinquante exécutés.[9] Prison et travaux forcés (bagnes)  sont les autres peines infligées aux soldats par les tribunaux.

Ces mutineries ne furent souvent pas politique, mais exprimaient plutôt un “ras-le-bol collectif” liées aux conditions de vie mais aussi à l’accumulation de morts pour des offensives inutiles.

Le maréchal Pétain le comprend bien et tente d’ “améliorer l’« ordinaire » des premières lignes et renonce aux opérations inutiles”. La relative clémence des autorités montre une certaine compréhension de la situation, même si en réalité, on admet que les autorités n’avaient pas vraiment le choix: la population civile n’aurait pas accepté “une fermeté exagérée face à des mouvements qui n’exprimaient que le bon sens” ! [10]

SOURCES

FOUCHARD, Dominique. Les retours à l’intime des soldats après la Grande Guerre. [En ligne].http://www.ac-paris.fr/portail/jcms/p2_866923/les-retours-a-lintime-des-soldats-apres-la-grande-guerre (page consultée le 21 août 2015).

LAGADEC, Yann. Hommes et Femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre : Le 41ème RI et les mutineries de 1917. Rennes : Co-édition Département d’Ille-et-Vilaine et Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, 2014. 978-2-86035-027-3.

LE GALL, Erwan, LAGADEC, Yann. Hommes et Femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre : Deux régiments rennais dans l’enfer de Verdun : les 41ème et 241ème à l’assaut de Fleury, juin-juillet 1916. Rennes : Co-édition Département d’Ille-et-Vilaine et Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, 2014. 978-2-86035-027-3.

LOEZ, André. 14-18, les refus de la guerre, Une histoire des mutins (annexe à l’ouvrage). [En ligne] http://www.crid1418.org/espace_scientifique/ouvrages/Loez_mutins_anx.pdf

Dictionnaire de l’Histoire de France. Mutineries de 1917. Edition 2005. [En ligne] http://www.larousse.fr/archives/histoire_de_france/page/856 (Consulté le 22 août 2015).

Mémorial Virtual du Chemin des Dames. Les batailles du Chemin des Dames en 14-18 [En ligne] http://www.memorial-chemindesdames.fr/pages/batailles.asp (Consulté le 22 août 2015).

 

[1] LE GALL, Erwan, LAGADEC, Yann. Hommes et Femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre : Deux régiments rennais dans l’enfer de Verdun : les 41ème et 241ème à l’assaut de Fleury, juin-juillet 1916. p33

[2] Mémorial Virtual du Chemin des Dames. Les batailles du Chemin des Dames en 14-18.

[3] Dictionnaire de l’Histoire de France. Mutineries de 1917.

[4] LOEZ, André. 14-18, les refus de la guerre, Une histoire des mutins (annexe à l’ouvrage). [En ligne] http://www.crid1418.org/espace_scientifique/ouvrages/Loez_mutins_anx.pdf

[5] Ibidem.

[6] LAGADEC, Yann. Hommes et Femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre : Le 41ème RI et les mutineries de 1917. p.44

[7] Ibidem

[8] Ibidem

[9] Dictionnaire de l’Histoire de France. Mutineries de 1917.

[10] Ibidem

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