Des histoires de vie remplies d’anecdotes pendant la guerre

Le docgame Classe 1914 est clairement inspiré de faits réels, et c’est en travaillant en collaboration directe avec les Archives départementales que les concepteurs du projet ont écrit l’histoire. Ainsi, nombreux de ces faits divers sont directement racontés dans le jeu et, afin de lui donner une dimension encore plus réaliste, les archives témoignant de ces évènements (articles de journaux, photos, rapports militaires, etc.) sont consultables par le joueur.

Retrouvons ici quelques uns de ces épisodes de l’histoire du département d’Ille-et-Vilaine à cette époque.

 Des femmes qui montent au front

Ainsi, dans le jeu, un des personnages féminins tentera de monter au front . Cette histoire, pas si commune, est réelle.

C’est le cas par exemple de Louise Bodin, surnommée « la Bolchévique aux bijoux » par les Rennais.[1] Engagée en tant qu’infirmière, elle sera aussi considérée comme pacifiste, journaliste, féministe et suffragette. Elle s’engagea ouvertement contre la guerre dans des articles parus en 1916 dans le journal La France ou dans le périodique Les hommes du jour. Issue d’un milieu bourgeois, elle écrira pour dénoncer l’inégalité entre les classes et les sexes et s’opposera à la morale dominante. “Nous sommes faites pour être épouses et mères dites-vous (…). Nous sommes épouses : nous ne voulons pas être veuves par troupeaux. Nous sommes mères, nous ne voulons pas qu’on tue nos enfants”, déclare-t-elle[2]

(Louise Bodin (1877-1929)

(Louise Bodin (1877-1929)

Un autre exemple avec Armandine, qui écrit régulièrement à son mari Armand et dont quelques lettres sont publiées dans l’ouvrage Homme et Femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre montera aussi au Front en décembre 1914. Malgré l’avis de son mari qui lui déconseille de tenter l’aventure, elle lui répond “Je me vois tout braver, tout oser pour t’apporter amour et caresses” et parvient à rester quelques jours dans une maisonnette à 1.5 km des premières lignes et de l’armée allemande. Elle retentera sa chance en avril 1917, mais sans succès cette fois ci.[3]

 

 Les enfants soldats

Au cours du  jeu, un des personnages masculins, cette fois-ci, évoque avoir croisé au cours de ses combats de jeunes enfants soldats.

Effectivement, quelques enfants sont  montés au Front pendant la guerre. Un des personnages l’évoque dans son récit. Nous détaillerons cet aspect de la guerre dans un article dédié à ce thème.

 Le ravitaillement en gare de Rennes

Rennes est un carrefour où se croisent permissionnaires, soldats et réfugiés belges. Suite à un déferlement de passagers transitant par la gare de Rennes, parfois sans ressources et ayant besoin d’un peu de repos, la municipalité de Rennes, sous la direction de son maire Jean Janvier a mis en place un ravitaillement gratuit tout au long de la guerre. Voir l’article qui y est consacré.

Un des personnages féminins, dans le cas où elle travaille à Rennes (selon le parcours que le joueur suit), aidera au service dans ce ravitaillement gratuit.

 L’explosion du 1er février 1917 à l’Arsenal

Le 1er février 1917, l’Arsenal de Rennes (où environ 18000 personnes dont 5100 femmes en 1918 ont fabriqué des munitions durant la guerre)[4] est le théâtre d’un tragique accident. Une explosion s’est en effet produite à 6h du matin (au moment de l’entrée du personnel), provoquant un incendie. Au total, sept personnes décédèrent suite à l’accident, et 28 personnes fûrent touchées, vingt femmes et huit hommes.

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(La Courrouze à Rennes : un immense terrain occupé à l’ouest de la ville pas l’arsenal à proximité des casernes d’artillerie. ADIV 6 Fi)

Le même personnage évoquera ce drame dans le docgame.

 Trois mariages sans enterrement

Dans un contexte de guerre où les enterrements se faisaient plus courants que les mariages, le docgame évoque le cas de ces trois mariages ayant eu en même temps au retour des soldats. Ce genre de situation a véritablement eu lieu à l’armistice …

Ce fût en effet le cas de la famille Harvard, de Dourdain, dont les trois fils Pierre, Paul et Jean fûrent mobilisés et revinrent tous de la Grande Guerre. Pierre Harvard rencontra Angèle Cochet, qu’il demanda en mariage en mars 1919 et qu’il épousa le 4 mai 1920.

Paul, après avoir commencé à fréquenter Marie à l’été 1917 se mariera avec elle le 4 avril 1921. Le même jour, Perrine, la soeur de Paul épousera Pierre Jouault, ancien camarade de régiment de Paul. La famille célèbra ainsi trois mariages en l’espace de quelques mois[5].

 Un imposteur à l’hôpital de Vitré

Dans le docgame, Marie évoque le cas d’un médecin, le docteur Miller, renvoyé de l’hôpital où elle travaille: cette histoire a, elle aussi, véritablement existé, comme en témoigne les archives.

En effet, à l’hôpital de Vitré, un médecin belge et un infirmier russe venant de Londres ont officié pendant un mois en 1914. Ce sont en fait des imposteurs: le médecin dénommé Silvercruys” (de son vrai nom Miller) a été condamné en 1911 à une peine qu’il n’a jamais accomplie. “Il sera enfermé à la maison d’arrêt de Vitrè tandis que son acolyte est mené à la prison militaire[6]. Silvercruys, selon la presse parisienne, sera condamné à 8 mois de prison[7].

Globalement, c’est à travers de petites phrases prononcées ou entendues par les personnages que l’on distingue bien l’ambiance de l’époque et l’état d’esprit des personnes. Par exemple, en partant à la guerre, un des personnage déclare “À Noël, nous seront là, c’est sûr”. C’était bien souvent l’état d’esprit des populations, persuadées que la guerre serait de courte durée. De la même façon, des remarques portant sur les “zouaves et tirailleurs” sont prononcées par un personnage masculin qui doute que l’on puisse compter sur eux ou les réticences de la sœur d’une des filles à donner des vivres pour le ravitaillement gratuit en gare de Rennes essaient de traduire l’état d’esprit des populations dans le contexte de l’époque.

S’inspirant de petites anecdotes et d’histoires vraies, le docgame Classe 1914 raconte la vie des habitants d’Ille-et-Vilaine durant cette période trouble. Le joueur est donc invité à s’imprégner de l’ambiance particulière de cette époque par l’histoire des personnes qu’il incarne et les documents qu’il consulte, ce qui lui permet de découvrir ces évènements ou sa région de manière ludique.

 

SOURCES

Entretien avec Claudia SACHET, archiviste aux Archives départementales d’Ille-et-Vilaine

COCAUD, Martine. Hommes et Femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre : “Infirmière, cultivatrice ou munitionnette : les femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre”, Rennes : Co-édition Département d’Ille-et-Vilaine et Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, 2014. 978-2-86035-027-3.

LAGADEC, Yann, SERRAND, Pierre. Hommes et Femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre : “Trois mariages sans enterrement”, Rennes : Co-édition Département d’Ille-et-Vilaine et Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, 2014. 978-2-86035-027-3.

LONGEARD, Gwladys. Hommes et Femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre : “Sel d’espion, sel d’Epsom : un faux docteur à Vitrè”, Rennes : Co-édition Département d’Ille-et-Vilaine et Société Archéologique et Historique d’Ille-et-Vilaine, 2014. 978-2-86035-027-3.

[1] Entretien avec Claudia SACHET

[2] COCAUD, Martine. Hommes et Femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre : “Infirmière, cultivatrice ou munitionnette : les femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre”. p.192

[3] Ibidem p.183

[4] Ibidem p. 185

[5] LAGADEC, Yann, SERRAND, Pierre. Hommes et Femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre : “Trois mariages sans enterrement”. p.293

[6] LONGEARD, Gwladys. Hommes et Femmes d’Ille-et-Vilaine dans la Grande Guerre : “Sel d’espion, sel d’Epsom : un faux docteur à Vitrè”. p.247

[7] Ibidem

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